Retraites   en lambeaux ou reprendre le flambeau ?
  
Jean-Marie Harribey
Espaces Marx Aquitaine Bordeaux Gironde, Lettre n° 86, février 2003
1993   : Balladur tire trois bombes à fragmentation en contre-réformant   les retraites. Augmentation de la durée de cotisations des salariés   du privé de 37,5 à 40 ans ; calcul de la pension sur la moyenne   du salaire des 25 meilleures années au lieu des 10 ; indexation des pensions   sur les prix et non plus sur les salaires. La première et la troisième   bombes ont explosé immédiatement. La seconde également   mais elle a aussi un effet à retardement. En 2008, le niveau des pensions   aura baissé dau moins 20% pour ceux qui réussiront à   atteindre 40 annuités, davantage pour ceux qui ne le pourront pas.
  
2003   : Raffarin, Seillière et de nouveau Balladur enfouissent un champ de   mines pendant que la presse aux ordres et les économistes bien-pensants   pilonnent la population à coups darguments racoleurs, faux, mensongers   et cyniques :
  - Il faut rétablir léquité privé-public rompue
   par linéquité !
  - Il faut continuer de travailler
 sur des emplois supprimés par   les « plans sociaux » !
  - Il faut augmenter la durée individuelle du travail
 quand il y   a trois millions de chômeurs !
  - Il faut travailler au-delà de 57 ans
 dans des entreprises qui   mettent les travailleurs à la porte au-delà de cet âge !
  - Il faut augmenter le taux dactivité
 sans que le volume   demplois naugmente !
  - Dans le système par répartition, les travailleurs paient pour   les inactifs
 alors que dans un système par capitalisation, la richesse   tombe du ciel !
  - Les fonds de pension anglais recueillent cette manne divine ou providentielle   (venant de la main invisible sans doute)
 mais demandent à Blair   de reculer lâge de la retraite à 70 ans !
  - Le système de retraites par répartition est menacé par   lévolution démographique
 à laquelle les systèmes   par capitalisation sont indifférents !
  - Il faut compléter les retraites par répartition par la capitalisation   individuelle offerte par des fonds de pension
 qui annoncent (aux Etats-Unis   et aux Pays-Bas) quils ne peuvent payer les retraites promises à   cause de la démographie !
  - Les fonds de pension « à la française » ne sont   plus à lordre du jour pour cause de faillite boursière
   mais des compléments de retraite par capitalisation sont tout de même   nécessaires !
  - Il est impossible daugmenter les taux de cotisations pour alimenter   les caisses de la Sécurité sociale car les « prélèvements   obligatoires sont déjà trop élevés »
   mais il est possible de le faire pour grossir les fonds de pension !
  - On manquera de tout pour nourrir, loger, promener, soigner les retraités   car leur poids relatif par rapport aux actifs croîtra de 75% en 40 ans
   tandis que la richesse produite augmentera de 100% !
  - La Bourse enrichit tout le monde plus vite
 que ne grandit le produit   total !
  - Les salariés doivent seuls supporter la charge supplémentaire   due à lévolution démographique
 alors que la   part des salaires a déjà baissé de 10 points dans le PIB   depuis 20 ans et que celle des profits a augmenté dautant !
  - Les retraites en 2040 devront progresser de 7 à 8 points de PIB
   cest-à-dire pas plus que dans les 40 dernières années   et moins que ce que les salaires ont perdu en 20 ans !
  - Le retour pour tous aux 37,5 annuités est irréaliste
 même   sil ne coûterait que 0,3 point de PIB !
  - Tous les libéraux ont la larme à lil au sujet de   la situation des pays pauvres
 mais nous encouragent à « faire   payer nos retraites par les Chinois » !
  - Il faut que les travailleurs « aiment le travail »
 mais   quils placent leur confiance dans du capital !
  - Le travail ne produit pas la valeur
 mais il faut travailler plus longtemps   pour servir des profits aux détenteurs de titres financiers (actions,   contrats dassurance-vie ou dépargne-retraite) ! Ce bon vieux   Marx a encore de lespace devant lui
  
1er février 2003 : beaucoup de monde dans la rue. Il y avait des vieux, des plus jeunes que les vieux, des jeunes. Il y avait même des tout-petits. On était heureux : si lon ne veut pas que les retraites partent en lambeaux, il faut que le flambeau soit repris.